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Vivre avec une maladie chronique ou une situation de handicap : du tsunami du diagnostic au processus d’adaptation/d’ajustement 

Le diagnostic et l’annonce d’une pathologie chronique (par définition, de longue durée et potentiellement évolutive) se révèle très souvent un événement de vie éprouvant et bouleversant.
Ce tsunami psycho-émotionnel nous contraint irrémédiablement à repenser notre vie au quotidien, nos projets, notre devenir du fait de l’émergence d’une pléthore d’interrogations récurrentes et particulièrement anxiogènes…

Pour pouvoir « faire face » à ce choc et s’adapter au mieux en évitant toute prise de décision hâtive potentiellement sacrificielle (quel que soit le domaine), il semble d’abord nécessaire de bien comprendre la maladie qui nous affecte, comment les choses peuvent potentiellement évoluer et ce que nous pouvons faire pour stabiliser notre état et voire même améliorer notre qualité de vie afin que cette dernière se rapproche le plus possible de celle « d’avant diagnostic » et/ou de celle précédant toute expression symptomatique invalidante.

Suite au diagnostic d’une pathologie chronique, il apparait essentiel, dans la mesure du possible, de déjouer ou de limiter toute privation, résignation ou renonciation (dictée-s- par nos peurs ou celles gravitant dans notre entourage environnant). La capacité à s’adapter à une nouvelle situation de santé, initialement pourvoyeuse d’un haut niveau de stress, dépend de notre résilience (ensemble des processus permettant de surmonter un traumatisme psychologique -ne pas se décourager, se laisser abattre, rebondir, ne plus vivre dans la dépression etc.- afin de se reconstruire et de retrouver un fonctionnement adapté et une qualité de vie la plus satisfaisante possible).

La résilience permet d’apprendre à vivre le mieux possible « avec la maladie » et non « malgré la maladie ». Autrement dit, elle permet la maximisation du bien-être physique, psychologique, social et professionnel et de recouvrer une qualité de vie, la plus satisfaisante possible. Le processus de résilience renvoie à l’exécution de plusieurs opérations mentales et comporte donc plusieurs facettes. Il dépend notamment : – des mécanismes de défense mobilisés (processus mentaux automatiques et involontaires destinés à atténuer les tensions internes et externes – ex : Chabrol, 2005), – des stratégies de « coping » (Lazarus & Folkman, 1992) ou d’ajustement (Bruchon-Schweitzer, 2001 ; Paulhan, 1992) que nous employons mais aussi, – de notre « empowerment psychologique » (prise de conscience de nos compétences et développement de notre pouvoir d’agir – ex : Eisen, 1994).

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-> Les mécanismes de défense sont des opérations mentales involontaires et inconscientes qui contribuent à atténuer les tensions internes et externes (Chabrol, 2005). Ils sont classés au regard de leur degré de maturité (c’est-à-dire : défenses « matures » ou niveau adaptatif élevé ; défenses « intermédiaires » avec le niveau des inhibitions mentales et les formations de compromis ; et défenses « immatures » tels que celles relatives à la distorsion mineure et majeure de l’image de soi et des autres, au niveau du désaveu, de l’agir et de dysrégulation défensive. Si certains mécanismes de défense sont utilisés de façon dominante par certains types de personnalité, la mobilisation de défense moins matures (ex : refoulement, déplacement, déni, projection, etc.) s’observe aisément face à certains évènements de vie difficiles ou extrêmes. Même si dans l’absolu, ils ont tous une fonction adaptative au regard de l’environnement et visent à maintenir une homéostasie psychique, certains d’entre eux peuvent avoir des conséquences néfastes pour la santé en falsifiant la réalité par exemple. Ce sont les défenses « matures » qui permettent une adaptation optimale aux facteurs de stress (ex : humour, sublimation, anticipation, altruisme etc.) et se rapprochent des stratégies de coping les plus fonctionnelles (Chabrol, 2005).

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-> Les processus ou stratégies de coping (en français : stratégies de faire face ou d’ajustement) sont en revanche des opérations mentales volontaires par lesquelles le sujet choisi délibérément une réponse à un problème interne et/ou externe.
Le coping est un mot anglais qui se traduit par « faire face à »…Il désigne précisément  « l’ensemble des processus qu’utilise un individu pour maîtriser, tolérer ou diminuer l’impact de l’environnement qu’il perçoit comme stressant (Lazarus & Folkman, 1999). Il ne s’agit pas d’un trait de caractère mais d’un processus constamment changeant (Da Rocha, Roos & Shaha, 2014).
Les stratégies de coping dépendent de l’évaluation qu’une personne se fait d’un événement et de l’adéquation de ses ressources pour y répondre (Folkman & Greer, 2000).
Nous comprenons alors ici aisément que les notions de stress perçu et de contrôle perçu (locus of control) sont cruciales. En d’autres termes, cela signifie donc que de mêmes événements de vie identiques n’auront pas tous le même impact sur tous les individus.
Ce n’est donc pas l’intensité, la fréquence et/ou la gravité d’un événement qui se révèlent stressants en eux-mêmes, mais le retentissement émotionnel de cet événement et sa signification pour chacun d’entre nous dans notre subjectivité.

Il existe 3 stratégies de coping principales
(Da Rocha, Roos & Shaha, 2014 ; Folkman & Greer, 2000 ; Lazarus & Folkman, 1999) :

Celles centrées sur les émotions où la personne touchée par un problème de santé va ajuster son attitude de façon à mieux gérer ses émotions et adoucir sa souffrance (ex : évitement, recherche de soutien social, mise à distance, fuite) ;

Celles centrées sur la résolution du problème où la personne touchée par un problème de santé va faire en sorte de réduire les exigences perçues par cette situation en renforçant ses ressources pour mieux y faire face (ex : recherche d’informations, documentation pour mieux comprendre sa pathologie) ;

Celles centrées sur le sens permettant d’évaluer la signification de son existence et de jauger l’impact de cette altération de l’état de santé sur cette dernière. Certains patients ici choisiront de gratifier leur existence d’une signification, d’embrasser la vie de manière inédite pour rejoindre un sentiment de paix intérieure par l’entremise notamment de la spiritualité et de la foi (ex : Coyle, 2006 ; Jim, Richardson, Golden-Kreutz & Andersen, 2006).


Même si les stratégies de coping visent à s’adapter à toute situation ou événement de vie stressant telle qu’un problème de santé, certaines se révèlent délétères en termes de bien-être et qualité de vie perçue.

Autrement dit, il existe des stratégies de coping positives et négatives.

Concernant le coping positif susceptible d’améliorer la qualité de vie globale et de réduire la détresse émotionnelle (anxiété, dépression), nous trouvons par exemple :
La catharsis: réduction des tensions et libération du trop plein émotionnel par l’expression des émotions.
La réinterprétation positive : réinterprétation de la situation sous un angle nouveau en recherchant certains aspects positifs (attribuer une signification positive à l’événement en se concentrant sur sa croissance personnelle).
L’acceptation : évaluation et adoptions de comportements compatibles avec le problème de santé
L’optimisme: culture du positivisme et de l’espoir face au problème de santé.
La restructuration cognitive : déploiement d’efforts cognitifs pour trouver des aspects positifs à l’expérience vécue et pour concevoir la maladie comme une opportunité de grandir.
La réflexion:  élaboration de solutions par la recherche d’informations
La proactivité: réalisation d’actions afin d’anticiper (la ou les) situation(s) problématique(s)
La recherche de soutien social émotionnel : apprendre à s’entourer et recours en cas de besoin à du soutien moral et à la recherche de sympathie ou de compréhension de la part d’autrui
La recherche de soutien social instrumental : rechercher divers avis ou informations appropriées par rapport à la situation de santé vécue auprès de collectifs associatifs ou de pairs-aidants par exemple.
La planification et résolution de problème : réflexion et analyse quant à la façon de gérer l’évènement stressant et aux étapes pour y arriver et déploiement d’efforts pour modifier la situation.
La spiritualité: prêter attention à son corps, sa respiration, son ressenti, son intuition ; pratiquer régulièrement quelques minutes de méditation pour s’extraire du monde physique et partir à la découverte de soi, conscientiser ses ressources intérieures et/ou s’en remettre à une force supérieure et garder foi en l’avenir par exemple (etc.).

A coté de ces stratégies « saines » et efficaces, il existe des stratégies de coping dites « négatives » car beaucoup plus délétères en termes de répercussions sur le bien-être et sur la qualité de vie comme par exemple :
L’évitement comportemental: réduction des efforts pour gérer le « stresseur » et abandon des buts à atteindre avec lesquels l’événement stressant est susceptible d’interférer.
L’évitement cognitif: pratique d’activités de distraction pour éviter de penser aux conséquences de l’événement stressant.
La fuite: déploiement d’efforts comportementaux pour fuir la situation stressante.
Le déni: refus de croire que l’événement stressant existe ou agir comme s’il n’existait pas.
La distanciation: déploiement d’efforts pour se détacher et se distancer de la situation.
La pensée magique: évasion dans des fantaisies agréables afin de fuir ou d’échapper à la détresse émotionnelle générée par un événement stressant tel que la maladie.
La minimisation de la menace: forme de suite consistant notamment à se comporter comme si rien ne s’était passé.
L’utilisation de substances psychoactives: fuite dans la consommation de substances psychoactives (tabac, alcool, drogues, médication anxiolytique, hypnotique, antidépressive etc.) face à un stress important découlant de l’événement stressant tel que la maladie (etc.).

Si les stratégies de coping visant à éviter ou nier l’existence du problème (fuite, déni, distanciation, pensée magique, minimisation de la menace etc.) peuvent représenter une solution de « faire face » à très court terme, elles se révèlent, avec le temps, délétères en renforçant le stress perçu face à l’événement et en dégradant potentiellement la santé physique et psychologique ainsi que l’estime de soi. Ces dernières peuvent par ailleurs maintenir les personnes dans un état d’impuissance acquise. Cependant ces moyens d’ajustement peuvent fort heureusement évoluer, parfois avec l’aide d’un tiers tel qu’un psychologue par exemple.

Les stratégies de coping restent singulières à chacun. Cependant, le rôle de certaines variables (ex : variables de santé, psychologiques, socioprofessionnelles, socioculturelles) et la manière dont l’annonce du diagnostic s’est déroulée dans le cadre d’une pathologie chronique influeraient également sur la qualité d’adaptation des patients (Da Rocha, Roos & Shaha, 2014).


-> Enfin, l’empowerment psychologique désigne la façon par laquelle l’individu accroit ses propres habiletés en favorisant l’estime de soi, la confiance en soi, l’initiative et le contrôle (Eisen, 1994). C’est un processus social de reconnaissance, de promotion et d’habilitation/réhabilitation du pouvoir des personnes dans leur capacité à satisfaire leurs besoins, à régler leurs problèmes et à mobiliser les ressources nécessaires de façon à se sentir en contrôle de leur propre vie (Gibson, 1991). L’objectif ici est de prendre ou reprendre le contrôle de son existence et de prendre conscience de ses propres ressources et aptitudes intérieures et plus loin, de son pouvoir. En d’autres termes, il s’agit d’avoir confiance en ses ressources, en ses moyens ; de se sentir compétent et d’avoir le sentiment de pouvoir et de contrôle sur les différents aspects de sa vie – soi, les autres, la situation- (Bouchard, 1998 ; Le Bossé & Lavallée, 1993). Pour développer son empowerment, le partage des ressources sur le plan collectif et la collaboration sont encouragés tout comme le travail individuel sur l’estime de soi, l’auto-appréciation de ses compétences, le sentiment de contrôle personnel et l’autonomie (Anaut, 2003).